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Le Rif et la côte méditerranéenne : Chefchaouen, Cala Iris et Martil


31 mars au 10 avril 2013

De Fès à Chefchaouen, c'est un autre 200 km vers le nord, signe évident que notre périple au Maroc tire à sa fin. Nous traversons des nouveaux paysages pour nous au Maroc : des collines vertes cultivées, des rivières qui coulent abondamment, des lacs, que de richesse ! C'est vrai qu'il a plu beaucoup récemment dans le nord du pays mais c'est l'hiver et c'est normal. Toutefois, après Ouazzane, nous retrouvons un paysage plus aride et montagneux alors que nous abordons le Rif, la chaîne de montagnes qui traverse le nord du pays. Reconnue il y a encore quelques années comme une région dangereuse pour les touristes à cause des trafiquants de «kif» (haschisch), on la traverse aujourd'hui sans souci. Même si l'industrie du cannabis est toujours prospère dans le Rif, elle n'est pas visible pour le simple touriste. On estime toutefois que 142 000 hectares du Rif sont consacrées à la production de cannabis correspondant à 42% de la production mondiale ! Ce commerce qui emploie 800 000 personnes est l'activité économique majeure de la région.

Dans la belle médina de Chefchaouen
Chefchaouen, une cité de 45 000 habitants, est blottie au fond d'une vallée dominée par les sommets du Rif. Qualifiée d'une des plus belles villes du Maroc, elle tient sa notoriété de sa splendide médina avec ses habitations aux toits de tuile rouge et aux murs peints blanc et bleu délavé qui lui donne un petit air andalou. La place centrale, Uta el-Hammam, fait face à l'ancienne kasbah et à la mosquée. Bordée de cafés et de restos, c'est un lieu idéal pour s'arrêter et observer la vie quotidienne marocaine. Quel plaisir aussi que de partir à la découverte de ses ruelles étroites et tortueuses qui nous font nous exclamer à chaque détour ! Décors enchanteurs et lumineux, c'est un paradis pour les photographes. Et, en prime, pas moyen de se perdre ici, on finit toujours par revenir à la place Uta el-Hamman.

«Chefchaouen prit son essor à l'arrivée des réfugiés musulmans et juifs fuyant Grenade (Espagne) et les persécutions chrétiennes après 1494. Ils bâtirent des maisons blanchies à la chaux qui donnent au bourg son allure espagnole, avec leurs minuscules balcons, leurs toits de tuiles et leurs patios. Le bleu pâle recouvrant les habitations, si typique aujourd'hui, fut introduit dans les années 1930 par la population juive. Cette couche devait remplacer le vert des fenêtres et des portes, couleur traditionnelle de l'islam. La ville de Chefchaouen a été inscrite en 2010 sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO. Cette inscription est liée à sa pratique alimentaire emblématique de la diète méditerranéenne.»

Paysage du Rif côtier
Il nous reste quelques jours avant l'expiration de notre visa, nous décidons de profiter du Maroc jusqu'à la dernière minute... Nous mettons donc le cap à l'est pour atteindre la mer Méditerranée et le camping de Cala Iris qui nous avait été recommandé. Le site est magnifique; installé sur une corniche, il domine la baie et le petit port de pêche du même nom. Toutefois, Cala Iris, ça se mérite ! La route traverse d'abord le Rif puis longe la mer sur une centaine de kilomètres mais toujours à travers les montagnes. Heureusement, elle vient d'être refaite; on est fier de nous dire que le roi l'a inauguré en 2012. C'est effectivement un travail colossal; les montagnes sont littéralement coupées pour laisser passer la route, les ravins sont comblés, les ponts sont lancés par dessus les oueds, les lacets entourent les montagnes. À 40 km/hre en moyenne, on n'avance pas très vite mais ça requiert une attention de tous les instants pour le chauffeur Réal. Le paysage est splendide. Malgré l'isolement, partout des petites maisons signalent que des gens y vivent. Des champs en culture ou en labour dessinent un joli patchwork vert et marron.

Tenues rifaines
Lorsque nous traversons les petits villages, nous remarquons que les femmes rifaines portent encore l'habit traditionnel : un chapeau de paille à large rebord (par dessus leur foulard de tête) décoré de «ponpons» et, par dessus leur jupe longue, un grand tissu rectangulaire rayé rouge et blanc et noué à l'avant. Nous en avions vu au souk de Chefchaouen et nous pensions que c'était des tapis car ils sont assez épais !

Beaucoup d'activité aussi dans ces villages. Les paysans viennent y vendre leur récolte ou la chargent dans des camions pour l'expédier ailleurs. La récolte a été très bonne cette année, nous dit-on; les petits pois rifains se vendront bien sur les marchés de Tanger, les gens sont très contents. Nous en profitons pour nous acheter un kilo de fraises à chaque fois que nous pouvons. C'est la saison et elles sont délicieuses.

Vue de notre camping, le port de Cala Iris
Arrivés finalement à Cala Iris, nous profitons de la modernité du camping : chose rare, ils ont une machine à laver. Ce sera donc journée de lavage ! Il le faut bien de temps en temps... Le soleil et le vent de la Méditerranée sèchera bien nos quatre brassées de linge et le lendemain, nous pouvons partir en moto à la découverte du coin.

Nous nous rendrons d'abord à la prochaine grande ville sur la côte, Al Hoceima, à une soixantaine de kilomètres encore plus à l'est. Pour s'y rendre, la route continue de se frayer un chemin à travers les montagnes. Toute la côte méditerranéenne était pratiquement inaccessible aux touristes jusqu'en 2012 à cause du mauvais état de la route... incroyable ! On imagine un peu le développement fulgurant qui va résulter ! Espérons que ce sera pour le mieux !

Al Hoceima est installé sur une pointe rocheuse sur le bord d'une belle grande baie. Quel site exceptionnel ! Criques et plages se succèdent de part et d'autre de la ville. On fait une pause dîner dans un resto du port : sole grillée pour Lucie et sardines frites pour Réal sur recommandation du chef. Excellent !

El Penon de Velez de la Gomera, un territoire espagnol au Maroc
Au retour, le soleil est encore assez haut, nous décidons donc d'aller explorer une petite piste qui devrait nous mener vers un piton rocheux en bord de mer qu'on voit depuis notre camping et qui nous intrigue un brin... La piste n'est pas en bon état mais notre Fury la grimpe avec ardeur et, après 5km, nous arrivons finalement face à cet ilot rocheux, en fait, une presqu'île reliée à la terre par une étroite bande de sable. Le drapeau espagnol flotte sur les quelques bâtiments de l'île qui ressemblent à un fort. Nous réalisons qu'il s'agit en fait d'El Penon de Velez de la Gomera, un territoire sous domination espagnole depuis 1564 ! L'Espagne contrôle aussi d'autres territoires plus importants tels Ceuta et Melilla sur la côte méditerranéenne, un vestige du temps des colonies. Nous sommes de retour à temps au camping pour prendre l'apéro devant le coucher de soleil sur le port, quelle belle journée !

Le lendemain, nous remontons la côte vers le nord-ouest sur plus de 200 km pour atteindre Martil près de Tetouan. Une grosse journée de route à travers les montagnes. Martil est une grande station balnéaire, une grande plage sur quelques kilomètres avec une promenade bétonnée adjacente et des immeubles tout aussi bétonnés la bordant. On se serait cru en Espagne n'eut été de l'état délabré de la majorité des édifices. Dommage... crise, manque d'entretien ou piètre qualité de construction? Probablement les trois à la fois...

Enfin, pour terminer ce carnet marocain, nous aimerions partager avec vous la manière dont les marocains se saluent, c'est vraiment suave... Entre hommes, on échange une poignée de main avec la main droite puis on pose la main droite sur le cœur. Entre femmes, c'est une poignée de main plus un à quatre baisers soufflés en l'air. Entre hommes et femmes, c'est main droite sur le cœur; poignée de main et baiser en l'air sont optionnels. C'est joli non ?

Nos trois mois au Maroc se sont déroulés au-delà de nos espérances. La découverte du pays et des gens a été fabuleuse. Si près de l'Europe mais une culture tellement différente ! De plus, les installations mises à la disposition des camping-caristes, même si parfois minimales et un peu délabrées, sont relativement nombreuses et nous ont permis de voyager de façon sécuritaire et de nous arrêter dans les plus beaux endroits du pays. Les grands axes routiers sont en général en bon état; quant aux routes secondaires, il s'agit de ralentir pour éviter les trous ! Enfin, sur les petites routes et les pistes, la moto a fait notre plus grand bonheur et nous a permis d'atteindre des lieux inaccessibles avec le camping-car mais oh combien merveilleux !

Shoukran (merci) Maroc ! Nous espérons te revoir, Inch Allah (Si Dieu le veut) !

Fès, ville impériale

26 au 30 mars

Encore un peu plus au nord, à 80 km d'Azrou, la ville impériale de Fès (1 million hab.) n'a rien à envier à Marrakech, bien au contraire. Berceau de grandes dynasties, elle a traversé 1 200 ans d'histoire en demeurant toujours très influente. «Tout souverain du Royaume a toujours veillé à son allégeance ou au moins à sa soumission. Le mouvement pour l'indépendance est né ici et les grèves ou les manifestations y sont toujours plus suivies qu'ailleurs. C'est l'une des cités les plus traditionnelles du Maroc : elle inspire du respect, teinté malgré tout d'une pointe de jalousie, dans le reste du pays. De fait, la majeure partie de l'élite intellectuelle et économique du Maroc vient de cette ville et il est largement admis (surtout par les Fassis) que toute personne native de la médina de Fès est plus pieuse, plus cultivée, plus raffinée et plus douée pour les arts... du reste que l'épouse du roi actuel soit originaire de Fès et que la famille royale y passe énormément de temps sont de grands motifs de fierté pour la ville.»

Une des entrées de la médina de Fès, la porte Bab Bou Djeloud ou la porte bleue
Pour le touriste toutefois, le charme de Fès réside dans sa médina, la vieille ville, Fez el-Bali. C'est d'ailleurs la plus vieille (avec celle de Tunis) et la plus grande médina au monde. Entrer dans la médina, par la porte bleue, la porte Bab Bou Djeloud, c'est comme faire un bond en arrière dans le temps. En près d'un millénaire, la médina n'a pas beaucoup changé car les collines environnantes ont empêché son expansion; le dernier agrandissement d'importance date du 13e siècle. Aujourd'hui, 150 000 Fassis vivent dans ce labyrinthe de ruelles tortueuses, d'impasses et de souks.

Réal dans la médina de Fès
Comme à Marrakech, nous avons pris plaisir à déambuler tranquillement dans la médina et à nous laisser envahir et surprendre par toute son activité. La médina regorge évidemment de marchands de tapis et de souvenirs pour touristes mais on y découvre aussi mille trésors : herbes et épices de toute sorte, savons graisseux à base d'huile d'olive, gants de massage et seaux pour le hamman (bain public), instruments de musique, enfants transportant sur leur tête un grand plat contenant des miches de pains couvertes d'un linge qu'ils apportent ou rapportent des fours à bois communaux, ânes chargés de marchandises, teinturiers qui plongent des vêtements (et leurs mains) dans un bac d'eau teintée fumante, cafés offrant des thés sucrés ou épicés, vendeurs d'olives, de dattes, de figues, de fruits, de légumes et de viandes, restos ambulants offrant des soupes mystérieuses, des escargots cuits et des petites brochettes savoureuses, des fontaines décorées de zelliges (céramiques) qui témoignent de la splendeur du passé, aiguiseurs de couteaux etc.

Du côté artisanat, nous avons été particulièrement attirés par les poteries arborant le fameux «bleu de Fès» à base de cobalt. La médina abrite plusieurs ateliers de poterie, on les repère à la grande fumée noire qui s'élève au dessus des fours. On ose espérer que la plupart des pièces vendues ici proviennent des ateliers locaux et non de Chine...

Place Seffarine, le quartier des dinandiers dans la médina
Les dinandiers ont aussi fait notre bonheur. Martelant inlassablement avec précision et minutie leurs assiettes le cuivre et de laiton, ils font apparaître de vrais tableaux. On dit d'ailleurs que le métier de dinandier est la forme noble, voire artistique, du métier de chaudronnier. Lampes, abat-jours, cadres, miroirs, carafes, plateaux... un travail vraiment impressionnant !

Les tanneries Chouara
La médina de Fès a aussi son quartier des tanneries, celui de Chouara, encore plus coloré que celui de Marrakech. Chaque boutique de maroquinerie qui se respecte offre de monter sur sont toit pour avoir une vue plongeante sur tous ces bassins colorés où trempent des centaines de peaux. Très impressionnant !

«Les tanneries illustrent peut-être mieux que tout autre artisanat la persistance de traditions remontant à l'époque médiévale. Le cuir marocain, et en particulier le cuir fassi, est depuis des siècles considéré comme l'un des plus beaux au monde. La fine peau de chèvre tannée, utilisée en reliure, porte ainsi le nom de maroquin.

Au Maroc, les techniques de tannage n'ont guère changé au fil des siècles. Les ânes continuent de transporter les peaux à travers les étroites ruelles jusqu'aux cuves de teinture, toujours construites selon les méthodes traditionnelles. Les tanneurs sont organisés selon les principes des guildes d'antan et le métier se transmet de père en fils. Malheureusement, l'hygiène et la sécurité n'ont pas évolué, et les tanneurs, plongés jusqu'aux genoux dans des produits chimiques, ont souvent des problèmes de santé. Pour combattre les odeurs pestilentielles, on offre aux touristes une branche de menthe à presser contre leur nez. Les principaux produits utilisés pour tanner les peaux sont la fiente de pigeon et l'urine de vache (pour le potassium) mélangés à de la cendre; d'autres ingrédients plus délicats tels l'indigo, le safran ou le pavot, sont ajoutés ultérieurement pour la teinture.»

Un délaineur au travail
Intéressant aussi de se laisser entraîner par un ouvrier pour nous faire visiter son atelier. C'est un «délaineur»; son travail consiste à enlever toute la laine de la peau du mouton à l'aide d'un couteau. La peau doit être ensuite soigneusement grattée avec un outil spécial pour vraiment enlever tout résidu de laine avant d'être envoyée à la tannerie. La laine est ensuite lavée et séchée au soleil sur le toit. Évidemment, tout se fait manuellement depuis des siècles et des siècles... Les peaux tannées quant à elles sont transportées sur les collines avoisinantes où elles sont étendues sur l'herbe pour sécher au soleil. Joli tableau !

Médersa Bou Inania
La médina de Fès abrite aussi bien sûr de nombreuses mosquées mais aussi quelques médersas (écoles coraniques) et aussi la plus vieille université au monde, l'université Karaouine. À la fois mosquée et université, Karaouine fut édifiée en l'an 859 par des réfugiés tunisiens puis fut agrandie au 12e siècle; la mosquée peut accueillir 20 000 fidèles. Ce complexe est le centre spirituel de la ville et du pays. Comme toutes les mosquées marocaines, les non-musulmans n'y sont pas admis. Par contre, nous avons pu visiter la médersa de Bou Inania érigée en 1350; entièrement restaurée il y a quelques années, les zelliges, stucs et portes de bois sculptés sont magnifiques. La médersa ne dispensait pas seulement un enseignement théologique mais on y traitait aussi d'astronomie et de philosophie.

Poterie bleue de Fès, 14e siècle
Enfin, nous avons fait un arrêt au Musée Batha installé dans un superbe palais d'été du 19e siècle. La collection n'est pas aussi imposante que promise mais elle recèle quand même quelques belles pièces de poteries du 14e siècle, des zelliges, des broderies, des bijoux et, bien sûr, des tapis ! Il a fallu être un peu délinquant pour croquer quelques photos souvenirs, c'est défendu dans les musées marocains mais nous n'avons pas pu résister à la tentation... Le jardin, de style andalou, offre un calme bienvenu après l'agitations de la médina.

Fès, un autre coup de cœur marocain !

Le Haut et le Moyen Atlas : les Gorges du Ziz, Midelt et Azrou

17 au 25 mars 2013

Réal devant les Gorges du Ziz
Quel contraste ! Après avoir passé plusieurs jours à la douce chaleur printanière du désert, nous voici en une journée revenus à une température plus fraîche, à 2 000 m d'altitude dans le Haut-Atlas. En remontant vers le nord la vallée du Ziz (celui-là même qui coule à Merzouga), nous découvrons les superbes Gorges du Ziz. Ce ne sont pas nos premières gorges au Maroc, loin de là, mais on s'exclame une fois de plus ! Celles-ci en imposent par ses parois très hautes et verticales qui décrivent de jolies courbes. Au fond de la vallée, les villageois réussissent à cultiver un peu de terrain en bordure de la rivière; oliviers et arbres fruitiers semblent y croître avec bonheur. On affirme que les strates de ces majestueuses parois datent de l'époque jurassique... ce doit être vrai puisque notre camping porte le nom de «Camping jurassique» !

La vallée du Ziz
Le gérant du camping nous recommande une petite route secondaire à explorer en moto.... nous atteindrons un vieux village portugais nous dit-il... mais plus personne n'y parle portugais, cela date du temps des colonies... Nous trouvons sans difficulté la fameuse petite route qui, en effet, nous offre une superbe balade. Nous nous élevons rapidement en altitude, aucun trafic et, à nos pieds, la vallée du Ziz qui n'en finit plus de décrire des courbes. Avant d'atteindre le fameux petit village portugais, une route tertiaire nous appelle à gauche; allons l'explorer, juste un petit peu... Nous grimpons encore plus en suivant un affluent du Ziz. Notre petite 125cc est fougueuse, elle ne refuse pas l'effort. Quelques moutons semblent paître sans berger à flanc de montagne, les rochers sont orangés, nous continuons de grimper, nous avons toujours le goût d'aller voir au détour de la prochaine courbe ce qui nous attend et nous ne sommes jamais déçus ! Tout à coup, surprise, un gros camion vert se pointe sur la piste devant nous. Nous nous écartons pour le laisser passer mais il s'arrête, c'est un camion militaire. L'officier à bord nous explique très gentiment que nous sommes dans une zone militaire et que nous n'avons pas le droit d'y circuler. Mais puisqu'avant qu'il ait eu le temps de parler, Réal lui avait déjà dit, avec force de qualificatifs, comment le Maroc était un beau pays et que le paysage ici était magnifique, il nous dit que nous pouvons continuer encore sur un kilomètre pour admirer le paysage. Pas besoin de vous dire que nous avons poursuivi notre route avec plaisir sur encore... quelques kilomètres, sans rencontrer âme qui vive. Que du bonheur !

Au retour, nous atteignons le petit village qui n'a plus rien de portugais. Peu de vie au village, les gens sont aux champs semble-t-il. Comme c'est le cas dans bien d'autres villages, on peut observer plusieurs anciennes kasbahs en ruine. Construites de briques crues ou de pisé, le temps faisant son œuvre, elles doivent être abandonnées et d'autres sont construites à proximité. À la sortie du village, le oued a complètement emporté la route. Seule une petite roche posée au milieu de la route nous avertit qu'un trou béant de 5 m de profond nous attend ! Pas de sentier de contournement à l'horizon, nous rebroussons donc chemin, ce qui n'est pas une mauvaise idée, vu l'heure avancée. Le soleil se cache vite derrière ces hautes parois, nous arrivons juste à temps au camping pour croquer une dernière photo de notre décor jurassique !

Région minière de Midelt
Continuant notre route vers le nord, nous atteignons Midelt (35 000 hab.) bien situé sur une vaste plaine entre le Moyen et le Haut Atlas. Ce sera l'occasion de deux très belles balades en moto. La première vers le nord-est et le village d'Aouli à une trentaine de km. La plaine est désertique et parsemée de monticules de débris rocailleux, preuves de la présence de nombreuses mines dans la région jusqu'à récemment : des mines de cuivre, de plomb et d'argent nous dit-on. Celles-ci sont maintenant pour la plupart désaffectées mais certaines sont encore un peu exploitées.

Mineur de malachite
Nous avons pu ainsi observer des petits groupes de 4 ou 5 mineurs qui creusaient de petites cavernes et tunnels au pic et au marteau à la recherche de veines de malachite, un minerai de cuivre utilisé comme pierre ornementale. Ils étaient venus à vélo le matin et ils remplissaient de minerai des sacs de plastique qu'un petit camion viendrait chercher le soir. Nous nous sommes arrêtés près d'un groupe qui a gentiment accepté que Réal les filme; ils lui ont même offert en souvenir un morceau de malachite, un précieux ajout à notre collection minérale... !

Quelques km avant Aouli, la route se change en une piste pour 4x4 et nous entrons encore une fois dans de splendides gorges orangées, celles du oued Moulaya. Plus en avant, nous atteignons un village minier fantôme. Les imposantes installations témoignent de l'envergure passée de cette mine. À proximité, des maisonnettes de style européen logeaient sans doute les dirigeants de la mine alors que les travailleurs étaient entassés dans un immense bâtiment nu et austère. Nous quittons sans regret ce lieu désolant et nous continuons vers Aouli.

Enfants d'Aouli et leur âne
Une fois les gorges franchies, le paysage se déploie de nouveau devant nous et nous découvrons le village d'Aouli magnifiquement situé au pied d'un majestueuse montagne teintée de vert, de jaune et d'orange. WOW ! Que c'est beau le «Maroche» ! Des enfants sur un âne nous accueillent au village; ils sont un peu méfiants mais nous réussissons à les amadouer en faisant des blagues. Non, non... pas de stylo, pas de bonbon, pas d'argent, un sourire, ça vaut bien plus, en voilà la preuve ! Aouli, c'est le bout de la piste, il nous faut rebrousser chemin. Au retour, nous reverrons nos mineurs qui ont terminé leur journée, attendant le petit camion qui transportera le fruit du labeur de la journée. À force de gestes, ils nous expliquent qu'un tunnel s'est effondré... heureusement, pas de blessé.... pour cette fois-ci...

Troupeaux de moutons devant le djebel Ayachi (3 737m) et le Cirque de Jaffar
Le lendemain, Fury, notre moto, nous amène du côté sud-ouest de Midelt vers le Cirque de Jaffar. Un paysage complètement différent de la veille mais tout aussi splendide. Pendant 25 km, nous longeons les contreforts du Haut Atlas sur une piste de 4x4. La nature qui défile devant nous est d'une grande beauté, toute empreinte de sérénité et de simplicité : bosquets de cèdres et de petits chênes, grandes coulées où paissent de nombreux troupeaux de moutons et de chèvres, ruisseaux dévalant la montagne, champs en culture, quel bonheur ! Et, le summum, c'est lorsque nous atteignons finalement le Cirque de Jaffar, un magnifique point de vue sur le djebel Ayachi (3 737 m) tout enneigé.

Agneau nouveau-né transporté par un âne
Après une pause-lunch face au djebel, nous décidons d'emprunter une route différente pour le retour; elle n'est pas sur la carte, c'est une petite route en terre battue mais elle nous appelle et elle semble se diriger dans la bonne direction. Nous finirons bien par nous retrouver sur une route principale; il est encore tôt, au pis aller, nous reviendrons sur nos pas. Bien nous en fit ! Nous nous sommes retrouvés à longer un ruisseau important qui desservait plusieurs campements qui, le soir venu, abritaient les troupeaux de chèvres et de moutons et leurs bergers. C'est le printemps, les agneaux naissent. Le berger ramasse les nouveau-nés trop faibles encore pour suivre le troupeau et il les installe confortablement dans une sacoche de jute sur l'âne.

Encore une fois, on se croit au temps de Marie, de Joseph et du petit Jésus... Les bergers sont de tout âge. Les jeunes nous demandent de l'argent pour une photo, les hommes, des cigarettes et les vieux nous font un large sourire, comme quoi les temps changent quand même... Toutefois, aucun ne parle français; le métier de berger ne s'apprend pas sur les bancs d'école...

Vieux berger tout sourire
Encore une fois, la nature nous en met plein la vue. Ces scènes pastorales avec en arrière-plan les crêtes enneigées du Haut Atlas, un vrai cadeau ! Finalement, notre piste débouche sur une route pavée. Cela aura été un détour d'une quinzaine de km mais il en valait largement la peine ! Une autre journée inoubliable !
Singe magot

Toujours vers le nord, avec le camping-car, nous serpentons à-travers le Moyen Atlas et ses déserts rocailleux sur 150 km et nous arrivons à Azrou, un important centre marchand au carrefour de plusieurs routes stratégiques. À 1 250 m d'altitude, on voit le changement dans la végétation. Ici, le paysage est beaucoup plus vert, moins aride. Une grande forêt de cèdres de l'Atlas s'étend au sud de la ville et abrite de curieux habitants : des singes magots.

Cèdre de l'Atlas
Les cèdres, tout comme les singes, sont protégés et endémiques à la région.

Encore une fois, la moto nous permettra de nous balader tranquillement dans cette forêt et d'aller à la rencontre des singes avec qui nous partagerons notre miche de pain. La journée étant encore jeune, nous repartons en moto vers le village d'Âïn Leuh à travers les montagnes et les plateaux arides où nous rencontrons encore quelques troupeaux et leurs bergers mais en moins grand nombre, il fait plus froid sur ces hauteurs.

Le lendemain, nous décidons de rester bien sagement au camping, on annonce de la pluie.

Surprise, en après-midi, la pluie se change en neige  ! Cela faisait bien 8 ans qu'on n'avait pas vu tomber autant de neige ! On se serait cru au Québec à la tempête de la St-Patrick !

Le Tafilalet– Erfoud, Rissani et Merzouga

7 au 16 mars 2013

Le Tafilalet fut l'une des dernières régions du Maroc à tomber dans le giron du protectorat français, les tribus berbères l'habitant s'y opposant farouchement jusqu'en 1932. Aux portes du désert, Erfoud et Rissani sont de petites villes plutôt prospères grâce à la rivière Ziz qui coule toute l'année à proximité donnant ainsi vie à de vastes palmeraies et irriguant les champs d'agriculture.

Évier en marbre truffé de fossiles
Pour nous, Erfoud fut une agréable halte, le temps de laisser passer deux journées de pluie et de vent. Nous en avons profité pour faire le tour des ateliers de fossiles et de minéraux du coin. En effet, le Tafilalet est une région riche en fossiles. D'immenses carrières de marbre truffé de fossiles tels ammonites, trilobites, goniatites (et j'en passe) sont exploitées dans la région. Les plus beaux spécimens sont évidemment extraits individuellement avec beaucoup de précaution et de dextérité mais il y en a tellement que de grands blocs de marbre sont taillés en tranches qui font 2 x 2 mètres par 3 cm d'épaisseur pour en faire des tables, des éviers et même des baignoires !

Goniatite, fossile vieux de 250 à 400 millions d'années !
Pour notre part, nous sommes tombés en amour avec les courbes harmonieuses des goniatites, des fossiles datant de 250 à 400 millions d'années ! Après avoir fureté dans tous les ateliers de la région et s'être transformés en paléontologues amateurs, nous avons finalement réussi à dénicher six très beaux spécimens et, devant notre indécision à savoir lequel choisir, le marchand marocain nous a convaincus de les acquérir tous les six ! Nous avions résisté devant les vendeurs de tapis mais nous avons craqué pour les fossiles ! Cela nous fait donc une petite famille de fossiles à ramener chez nous ou le début d'une belle collection... l'avenir le dira...

Jour de marché à Rissani
À Rissani, à une cinquantaine de kilomètres au sud d'Erfoud, nous avons eu la chance de tomber sur le «jour du marché» en ville. Quelle activité ! Quelle agitation ! Et, à notre grande surprise, les marocains, qui n'aiment habituellement pas se faire photographier, font peu de cas de nous se promenant à travers les étals en plein-air avec notre «kodak». Ici, on vend de tout ce dont vous pouvez avoir besoin ! Des vêtements, des fruits, des légumes, des moutons, des vaches, de la ferraille, des téléphones, des bouilloires bossées, il y en a pour tous les goûts et pour tous les budgets !

L'âne, un moyen de transport encore très populaire au Maroc
À l'entrée de la ville, c'est un défilé continu de tous les types de véhicules qui circulent au Maroc : minibus, petits et grands taxis Mercedes (jamais vu autant de Mercedes !), motos tricycles avec petite boîte de pick-up («dockers»), mobylettes à pédales, vélos, petits chevaux tirant des charrettes et ânes portant des grands paniers en osier tressé. Tout un spectacle ! Hommes, femmes et enfants viennent de loin, parfois à pied, pour venir acheter et vendre au marché. On sent que c'est comme une journée de fête, on se retrouve, on discute, on échange. Une pause bien appréciée dans le quotidien.

Cinquante kilomètres plus au sud, nous atteignons Merzouga, le désert et les dunes de l'erg Chebbi. Le désert du Maroc s'appelle «Hamada» qui signifie «désert rocailleux». En effet, le désert marocain est bien loin de l'image qu'on se fait des grands espaces de dunes de sable du Sahara. Au Maroc, le désert, c'est une immensité recouverte de petites roches (comme de la gravelle) souvent noires. C'est une absence de végétation sur de grandes étendues parfois montagneuses parfois planes.

Un «homme bleu» sur la dune d'Hassilabied dans l'erg Chebbi
À Merzouga, l'erg Chebbi nous offre des dunes de sable très fin colorées par le soleil dans des tons d'or et d'orangé. Ces dunes s'étendent sur une vingtaine de kilomètres de long par une dizaine de 10 kilomètres de large. La plus haute, celle près de Merzouga, s'élève à 180 m alors que celle près du petit village d'Hassilabied, où nous campons, culmine à 120 m. Bien installés au pied des dunes à l'arrière de l'Auberge Sahara, nous nous sommes arrêtés 10 jours dans cet endroit magnifique. La température y est parfaite à ce temps-ci de l'année, 25 C.

Pieds nus sur la plage... pardon, sur la dune !
Quel bonheur que de marcher pieds nus dans les dunes et aussi de les grimper pour admirer le coucher de soleil ! Le sable fin, compacté par le vent, nous donne l'impression de marcher sur une plage avec à l'horizon le ciel bleu comme la mer.

Autre expérience unique, une mini-tempête de sable ou plutôt de grands vents (heureusement que ce n'était pas une vraie tempête) ! On a beau fermer toutes les ouvertures, le sable s'est infiltré partout dans le camping-car. Crounch, cric, crac, une fine couche de poussière recouvre tout. Le soir avant d'aller dormir, nous avons même sorti dehors la douillette pour la secouer ! Difficile de marcher dans les dunes; le sable vous fouette le corps, pénètre dans vos yeux, vos narines, vos oreilles... on comprend alors l'utilité du «chèche», le grand foulard que les touaregs enroulent autour de leur tête pour se protéger du soleil et du vent et qui ne laisse apparaître que leurs yeux. Le chèche est souvent de couleur bleue, d'où le surnom d'homme bleu qu'on donne aux touaregs.

Merzouga, une vacance dans la vacance, un autre coup de cœur marocain assurément !

Vallées et gorges du Dades et du Todra

21 février au 1er mars 2013

Les gorges du Dades et les sommets enneigés du Haut-Atlas
Ce furent 10 jours de pur bonheur ! Et quel enchantement pour les yeux et pour notre petit cœur de pouvoir se balader dans une nature si grandiose! Les rivières Dades et Todra prennent leur source dans le Haut-Atlas et coulent vers le sud à environ 40 km l'une de l'autre en creusant des gorges spectaculaires. Encore une fois, la moto se révélera la meilleure façon pour explorer ce coin de pays et aussi sortir des sentiers battus. Même s'il a fallu s'habiller comme en hiver pour passer des cols à 2 700 m, ça en a valu la peine ! Nous avons été récompensés par des paysages magnifiques et puis, lorsqu'il commençait à neiger, on décidait de virer et de rentrer à la maison, au chaud !



Nous avons atteint «le Maroc profond». Des petits villages poussiéreux... nichés dans un décor fabuleux! On se demande toujours de quoi ils vivent! On voit peu ou pas d'animaux, même pas des chèvres. Les quelques animaux sont gardés à la maison dans des enclos, rien ne sert de sortir et de dépenser son énergie, il n'y a que de la roche autour ! Ce sont les femmes qui marchent des kilomètres pour ramasser et ramener ce qu'elles peuvent trouver de fourrage pour les bêtes  ! La sécheresse frappe dur... ça coûte cher de nourrir une vache si on achète le foin et la vendre rapporte peu parce que le foin coûte trop cher... cercle vicieux...


C'est en parcourant ces routes sinueuses entre ces montagnes dénudées, striées et colorées que Réal a rebaptisé le Maroc... ce devrait être «Maroche» a-t-il dit ! Et il avait bien raison !



Par contre dans les vallées, là on a l'impression de gagner le gros lot ! Les rivières qui coulent toute l'année à travers la palmeraie permettent de cultiver des jardins et des arbres fruitiers. Cerisier, amandiers, figuiers et dattiers poussent en abondance. Luzerne, oignons, carottes, et choux semblent les cultures les plus populaires dans les jardins. Un ingénieux système de canaux dirige et distribue l'eau, source de vie de la palmeraie et de ses jardins.


Dans les coins reculés, les gens sont gentils mais timides. Ils répondent à notre «Salam» (bonjour) par un «Salam» puis demandent «Ça va ?». On répond «Labes» (ça va), leur visage s'éclaire un peu. Plusieurs ne parlent pas français, les femmes encore moins que les hommes. Les enfants savent comment demander de l'argent, des stylos, des bonbons... Par contre, dans les zones touristiques, tous les marocains qu'on rencontre se changent comme par magie en «guide» qui peuvent nous faire visiter la palmeraie, les gorges etc. Invariablement, une invitation à prendre le thé se termine par une offre de «tour» quelconque. C'est toujours fait gentiment, alors on ne peut pas leur reprocher d'essayer de vendre leur marchandise... On nous propose aussi souvent du troc... avoir su, on n'aurait pas jeté notre vieil ordi ou ce manteau usagé, ils auraient fait des heureux ici !

Les villes de Boumalne Dades et Tinerhir à l'entrée des gorges sont essentiellement des villes de services car le Djbel Sarhro, au sud, abrite de nombreuses mines (argent, cuivre, plomb, or, manganèse).

L'Anti-Atlas


2 au 20 février 2013

Village de l'Anti-Atlas
Au sud de Marrakech, au centre du pays et au pied des montagnes du Haut-Atlas, la région de l'Anti-Atlas porte bien son nom avec des sommets tournant autour de 2 000 m. «Ces montagnes sont le fief des tribus berbères chleuhes qui vivent en une confédération souple de villages éparpillés dans les hauteurs désolées, certains hors de la portée de tout pouvoir central. Parmi des paysages lunaires de rochers granitiques et de coulées de lave rouge, les Chleuhs se consacrent depuis toujours à leurs fermes, implantées dans les luxuriantes oasis des vallées et aujourd'hui les plus belles palmeraies.»

Tafraoute et la vallée des Ammeln

Voyez-vous la tête de lion du djebel L'Kest ? (au centre dans la montagne rouge)
La bourgade de Tafraoute (5 000 hab.), nichée dans la somptueuse vallée des Ammeln, est entourée de montagnes de granit rose-orange-rouge dont le djebel L'Kest (2 359 m). Pour la petite histoire, ce massif abrite une formation rocheuse qui ressemble à une tête de lion. Les locaux vous expliquent en plaisantant qu'il surveille les femmes pendant que leurs maris travaillent ! C'est d'autant plus drôle (!) lorsqu'on apprend que les villages environnants sont surtout peuplés de femmes et d'enfants, les maris ayant quitté pour chercher de l'emploi en ville et même en Europe. C'est vrai que plusieurs envoient encore de l'argent à leur famille mais il y en a aussi plusieurs qui ne sont jamais revenus et qui ne subsistent plus aux besoins des leurs.

Cerisiers et amandiers en fleurs dans la somptueuse vallée des Ammeln
Pour notre plus grand bonheur, nous sommes en plein milieu de la saison de floraison des cerisiers et des amandiers. Voir ces arbres en fleur au milieu de ces terres arides, quel fabuleux spectacle la nature nous offre !

Dans la palmeraie d'Aït Mansour
C'est en moto que nous avons exploré la vallée des Ammeln. Très peu achalandées, ses routes nous ont menés à travers des gorges profondes longeant les oueds (rivières) asséchés et aussi des cols offrant des panoramas spectaculaires. Nous nous souviendrons longtemps des magnifiques gorges d'Aït Mansour qui, au final, s'ouvrent sur une luxuriante palmeraie longue de plusieurs kilomètres. Les habitations sont bâties à flanc de montagne, souvent à même le roc, pour préserver le maximum de terre cultivable le long du oued.

Palmier dattier
Ici, c'est le royaume des dattes ! Au sommet des grands palmiers dattiers, on aperçoit des régimes de dattes et le sol en est jonché. La récolte se fait en octobre-novembre; même les hommes âgés grimpent aux palmiers avec une sangle, un sac et un couteau pour en cueillir. La datte fraîche étant un fruit fragile, on la fait sécher un peu pour pouvoir l'exporter plus facilement. Les marocains sont friands de confiture et de sirop de dattes. Ils aiment bien les déguster sur une crêpe mais surtout arroser de sirop les aliments salés. Un chef nous recommande d'en mettre quelques gouttes sur du fromage de chèvre chaud ou sur du foie gras poêlé, cela fera ressortir le goût de noix et les saveurs fruitées des dattes marocaines. À suivre... pour le moment, nous sommes toujours à la recherche d'un paquet de la meilleure variété, la «Boufeggous», rien de moins.

Les gorges de Timguilcht
On revient le lendemain dans la vallée pour explorer cette fois-ci les gorges de Timguilcht via une piste de 4x4 dans laquelle notre moto se débrouille, ma foi, fort bien (c'est vrai qu'on a un bon conducteur aussi) ! Nous comptions revenir à Tafraoute par la palmeraie mais voilà qu'on se trompe de chemin; il faut dire, à la décharge de la co-pilote, que les indications routières sont rares et pas toujours en français... Cette erreur allongera notre trajet de plusieurs kilomètres mais elle nous fera découvrir d'autres magnifiques paysages qui nous donnent le goût d'étudier la géologie. Les majestueuses courbes des plissements rocheux imposent le respect face à la force de la nature qui a créé ces formes harmonieuses.

Taliouine et le safran

En remontant vers le nord-est, nous atteignons Taliouine, le centre africain de l'or rouge, le safran, l'épice la plus chère au monde. À Talioune, on nous le vend pas cher... 3 euros le gramme, un prix d'ami, alors qu'en France un gramme se paie 40 à 50 euros ! Le safran de Taliouine est réputé car il est biologique et sa qualité est contrôlée, c'est du vrai ! Nous en avons bien sûr acheté, il reste à le déguster...

Une fleur de safran et la guide de la Maison du safran
C'est dans les hauteurs volcaniques de Taliouine, à plus de 1 200 m dans les montagnes de Siroua, que poussent les fleurs de safran, un crocus pourpre semblable à ceux qu'on voit sortir de la neige au Québec au printemps. Le safran est cultivé exclusivement par les femmes; elles récoltent les fleurs avant l'aube dans les froides matinées d'octobre et novembre car le soleil atténue le goût du safran et sa teneur en vitamines. Seuls les trois stigmates de la fleur sont utilisés; ils sont minutieusement extraits et mis à sécher dans l'obscurité. Pendant le séchage, les stigmates perdent 80% de leur poids. Il faut 140 fleurs pour produire 1 gramme de safran. Le safran est utilisé en cuisine, en médecine, pour la teinture des tapis, les encres de calligraphie, les savons et les cosmétiques.

Agdz à Zagora, la vallée du Drâa

Sur les 95 km qui séparent Agdz et Zagora, l'eau du Drâa donne vie à une étroite vallée qui se couvre de palmiers et de terres cultivées en terrasses. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Encore récemment, dans les années '80, la vallée du Drâa a subi une sécheresse qui a duré 5 ans. Des villages entiers ont dû être abandonnés, les habitants ont dû fuir vers les villes pour survivre. Même si la vie est maintenant revenue dans la vallée, il est triste de voir toutes ces maisons de pisé en ruine qui témoignent de la fragilité de cet écosystème.

Notre camping à Agdz, dans la palmeraie, près de la kasbah Ali
À Agdz, notre camping se situe sur le bord d'une palmeraie au pied d'une kasbah (habitation fortifiée abritant une famille riche). Nous aurons l'occasion tout au long de notre périple au Maroc de voir et de visiter plusieurs kasbahs. Elle témoignent de la richesse et de la splendeur du passé des différentes tribus berbères qui ont vécu dans l'Anti-atlas. Plusieurs kasbahs sont maintenant en ruine; d'autres ont réussi à survivre en étant transformées en hôtel ou en maison d'hôtes.

Djebel Kissane et la vallée du Drâa
C'est encore une fois à moto que nous ferons nos plus belles découvertes dans la vallée du Drâa. Une piste le long du oued nous offre une très belle vue sur la palmeraie et les montagnes qui bordent la rivière. Le djebel Kissane est notre montagne favorite, sa forme ressemble à une tagine, le plat de cuisson typique marocain. Encore une fois, notre moto attire bien des regards admiratifs et envieux dans cette région où l'âne est le moyen de transport le plus courant.

Alors que les femmes s'affairent à laver le linge, transporter des bidons d'eau et récolter du fourrage pour les vaches, les hommes eux semblent dédier à couper des branches de palmiers et des joncs qu'ils ferons sécher pour les utiliser en vannerie et aussi dans la construction des maisons. Rien ne se perd dans la palmeraie; tout ce qui y pousse est précieux et bien utilisé.

Zagora, aux portes du désert, juste à 52 jours de Tombouctou !
À l'autre bout de la vallée du Drâa, la ville de Zagora, 35 000 hab., surprend par sa richesse, ses larges avenues et ses nombreux cafés. On comprend mieux lorsqu'on voit une affiche qui annonce fièrement : «Tombouctou, 52 jours» ! Cet avant-poste du désert est depuis plusieurs siècles un grand centre de commerce. Les caravanes qui traversaient le Sahara depuis Tombouctou (Mali) transportant or et épices prenaient effectivement 52 jours pour atteindre Zagora avant de remonter la vallée du Drâa et décharger leur précieuse cargaison à Agdz; celle-ci était alors reprise par des berbères qui lui faisaient traverser les montagnes du Haut-Atlas et atteindre ensuite Marrakech.

Ouarzazate et Âït-Benhaddou

N'ayant pas l'intention de traverser le désert jusqu'à Tombouctou, nous rebroussons chemin et nous remontons la vallée du Drâa vers le nord jusqu'à Ouarzazate (79 000 hab.), un autre carrefour commercial important. Nous en profitons pour refaire nos provisions grâce aux 2 supermarchés de la ville. Ce ne sont évidemment pas des grandes surfaces comme en trouve à Agadir ou Marrakech mais c'est beaucoup mieux que ce qu'on avait croisé depuis 3 semaines. Nous regarnissons donc notre garde-manger. Nous dénichons du bon beurre (français), du lait de soya pour Réal et des céréales «santé»; il s'agit juste de faire abstraction du prix ! En fait, mis à part la laitue introuvable, on ne manque de rien du côté bouffe; fruits et légumes de saison sont disponibles partout de même que œufs, viande de volaille et de bœuf. Côté alcool, nous avions fait nos provisions en Espagne avant de traverser. Nous avons goûté au vin marocain, il est bon mais cher (15-20 euros la bouteille).

Kasbah de Taourirt à Ouarzazate
Une fois ces besoins essentiels satisfaits, nous ne manquons pas d'aller visiter la Kasbah de Taourirt. Contrairement à d'autres kasbahs glaoui (nom de la tribu berbère de la région), celle de Taourirt a échappé à la ruine en servant de décor à des fils hollywoodiens (Un thé au Sahara, Gladiator, Prince of Persia) attirant du même coup l'attention de l'Unesco qui a soigneusement restauré des parties de la kasbah. Depuis les années 1950, Ouarzazate, qu'on surnomme «Ouallywood», est devenu un centre de production cinématographique important. La ville et les environs ont servi de décor à des films censés se dérouler au Tibet, dans la Rome antique, en Somalie ou encore en Égypte (Le diamant du Nil, Kundun etc.).

Kasbah d'Aït Benhaddou et palmeraie
Aït Benhaddou, à une trentaine de km au nord de Ouarzazate, est une autre belle grande kasbah classée par l'Unesco. Elle nous donne une bonne idée de ce que devait avoir l'air les caravansérails du 11e siècle. C'est très agréable de se promener dans ses murs en cette saison où il y a peu de touristes, les sujets de photos ne manquent pas. Encore une fois, le cinéma l'a sauvée; elle a servi de cadre à des films tels Laurence d'Arabie, Jésus de Nazareth, Le Diamant du Nil et Gladiator.

Le lendemain, nous faisons une longue balade à moto au nord d'Aït Benhaddou. Au loin, nous voyons les sommets enneigés de l'Atlas. Il a plu un peu hier soir, cela a laissé une belle traînée de neige blanche sur les sommets, c'est magnifique quoiqu'un peu frisquet en moto; heureusement nous étions bien habillés. Encore une fois, des paysages arides mais sublimes. Nous sommes toujours surpris de voir autant de petits villages et des gens vivre dans une nature aussi rude. L'homme est fait fort !

La côte atlantique d'Agadir à Sidi Ifni


21 janvier au 1er février 2013

Plage de Taghazoute près d'Agadir
On nous l'avait promis et c'est arrivé... il fait définitivement plus chaud à partir d'Agadir, 220C-250C. D'ailleurs Agadir se targue de jouir de 300 jours d'ensoleillement par année. Pas surprenant d'y retrouver une importante concentration de retraités en quête de chaleur et de plage. Les terrains de camping sont immenses et bondés; les gens s'y installent pour plusieurs mois.

Entièrement reconstruite en béton en 1960 après un séisme dévastateur (18 000 morts, la moitié de la population), Agadir n'a pas de vraiment de charme en soi. Elle fut fondée au 15e siècle par des marchands portugais afin de développer les échanges avec les caravanes sahariennes. Son port qui, au 16e siècle, fut prospère grâce à ce commerce mais aussi grâce à l'exportation du sucre, du coton et du salpêtre, contribue largement aujourd'hui à faire du Maroc le premier exportateur mondial de sardines en boîtes. Elle est aussi la première station balnéaire du pays et sa luxueuse marina indique la volonté de privilégier le haut de gamme. D'ailleurs tous les grands noms hôteliers s'alignent le long du grand boulevard Mohammed V.

Beaux fruits et légumes au souk
Nous avions choisi un petit camping à Taghazoute en retrait de la ville sur une hauteur qui nous offrait une belle vue sur la mer, très calme. Le souk (marché) du petit village à proximité nous a permis de nous ravitailler en fruits et légumes de saison : carottes, tomates, poivrons, concombres aubergines, zucchinis, grosses fèves, patates, oranges, pommes, bananes et même fraises ! Le poisson frais est évidemment aussi facile à trouver de même que la viande de poulet, bœuf et mouton. Quant au porc, nous avions fait nos provisions en Espagne avant de partir, pays musulman oblige...

Nous avons donc longé la côte au sud d'Agadir sur 200 km pendant une semaine en nous arrêtant ici et là et en explorant les environs en moto : Sidi Ouassai, Aglou, Sidi Ifni et Tiznit furent nos étapes. Ce que nous en retenons? De belles plages, plusieurs sauvages mais aussi de belles falaises, des criques, des maisons troglodytes de pêcheurs et un paysage de plus en plus aride et désertique.

Paysage le long de la côte près de Sidi Ifni
C'est au sud de Sidi Ifni, qu'on se paie une longue balade en moto et qu'on commence à s'intéresser aux cactus marocains ! Autant le long de la côte qu'à l'intérieur des terres (plutôt un désert de roches), de beaux cactus de forme «raquette» et dépourvus d'épines poussent à l'état sauvage mais, à notre grande surprise, on s'aperçoit qu'il y en aussi plusieurs plantés en rang, comme des arbres fruitiers ! De plus, nous croisons des camions plein de «raquettes» coupées... voilà notre curiosité piquée (ben oui, ce sont quand même des cactus), nous commençons donc notre enquête... Voici ce que nous avons appris de la part des marocains interrogés, le tout complété par Wikipedia...

Cactus raquettes ou Figuiers de Barbarie
La plantation de ces cactus est encouragée par le gouvernement marocain car il semble qu'ils étaient en voie d'extinction dans la région. La famille des cactus se présente en un large éventail de formes et de tailles. Celui qui nous intéresse se présente sous forme de raquettes. Ces raquettes, plus scientifiquement appelées «cladodes», sont en fait les rameaux aplatis de la plante, les feuilles elles-mêmes ayant dégénéré en épines (certaines variétés n'ont pas d'épines). Communément appelés «Figuier de Barbarie», nos cactus raquettes sont originaires du Mexique et ont été importés en Europe par un dénommé Colomb au 15e siècle. Le fruit ou figue de Barbarie est une baie charnue qui pousse sur le pourtour des raquettes terminales et qui peut atteindre 400 gr. Jaune, rouge ou blanc, le fruit est gorgé de graines et d'un jus légèrement sucré. Nous savions déjà qu'on pouvait manger les fruits de ces cactus mais nous ignorions que les jeunes raquettes peuvent aussi servir de fourrage pour les animaux et même de légume au Mexique. Les fruits autant que les raquettes sont gorgés de vitamine C, minéraux et anti-oxydants d'où l'intérêt à les cultiver et à les récolter. Outre pour l'alimentation humaine et animale, l'homme utilise le Figuier de Barbarie à plusieurs autres fins : formation de haies défensives et de barrières coupe feux, lutte contre l'érosion en agriculture, usage thérapeutique (antidiarrhéique), cosmétique (crème cicatrisante et anti-âge), ornemental et industriel (colorant). Il paraît même qu'en Sicile, on fabrique une liqueur avec les fruits, le «Ficodi»... si jamais vous passez par là, vous nous en donnerez des nouvelles ! Fin de l'enquête sur les cactus raquettes du Maroc !