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Fès, ville impériale

26 au 30 mars

Encore un peu plus au nord, à 80 km d'Azrou, la ville impériale de Fès (1 million hab.) n'a rien à envier à Marrakech, bien au contraire. Berceau de grandes dynasties, elle a traversé 1 200 ans d'histoire en demeurant toujours très influente. «Tout souverain du Royaume a toujours veillé à son allégeance ou au moins à sa soumission. Le mouvement pour l'indépendance est né ici et les grèves ou les manifestations y sont toujours plus suivies qu'ailleurs. C'est l'une des cités les plus traditionnelles du Maroc : elle inspire du respect, teinté malgré tout d'une pointe de jalousie, dans le reste du pays. De fait, la majeure partie de l'élite intellectuelle et économique du Maroc vient de cette ville et il est largement admis (surtout par les Fassis) que toute personne native de la médina de Fès est plus pieuse, plus cultivée, plus raffinée et plus douée pour les arts... du reste que l'épouse du roi actuel soit originaire de Fès et que la famille royale y passe énormément de temps sont de grands motifs de fierté pour la ville.»

Une des entrées de la médina de Fès, la porte Bab Bou Djeloud ou la porte bleue
Pour le touriste toutefois, le charme de Fès réside dans sa médina, la vieille ville, Fez el-Bali. C'est d'ailleurs la plus vieille (avec celle de Tunis) et la plus grande médina au monde. Entrer dans la médina, par la porte bleue, la porte Bab Bou Djeloud, c'est comme faire un bond en arrière dans le temps. En près d'un millénaire, la médina n'a pas beaucoup changé car les collines environnantes ont empêché son expansion; le dernier agrandissement d'importance date du 13e siècle. Aujourd'hui, 150 000 Fassis vivent dans ce labyrinthe de ruelles tortueuses, d'impasses et de souks.

Réal dans la médina de Fès
Comme à Marrakech, nous avons pris plaisir à déambuler tranquillement dans la médina et à nous laisser envahir et surprendre par toute son activité. La médina regorge évidemment de marchands de tapis et de souvenirs pour touristes mais on y découvre aussi mille trésors : herbes et épices de toute sorte, savons graisseux à base d'huile d'olive, gants de massage et seaux pour le hamman (bain public), instruments de musique, enfants transportant sur leur tête un grand plat contenant des miches de pains couvertes d'un linge qu'ils apportent ou rapportent des fours à bois communaux, ânes chargés de marchandises, teinturiers qui plongent des vêtements (et leurs mains) dans un bac d'eau teintée fumante, cafés offrant des thés sucrés ou épicés, vendeurs d'olives, de dattes, de figues, de fruits, de légumes et de viandes, restos ambulants offrant des soupes mystérieuses, des escargots cuits et des petites brochettes savoureuses, des fontaines décorées de zelliges (céramiques) qui témoignent de la splendeur du passé, aiguiseurs de couteaux etc.

Du côté artisanat, nous avons été particulièrement attirés par les poteries arborant le fameux «bleu de Fès» à base de cobalt. La médina abrite plusieurs ateliers de poterie, on les repère à la grande fumée noire qui s'élève au dessus des fours. On ose espérer que la plupart des pièces vendues ici proviennent des ateliers locaux et non de Chine...

Place Seffarine, le quartier des dinandiers dans la médina
Les dinandiers ont aussi fait notre bonheur. Martelant inlassablement avec précision et minutie leurs assiettes le cuivre et de laiton, ils font apparaître de vrais tableaux. On dit d'ailleurs que le métier de dinandier est la forme noble, voire artistique, du métier de chaudronnier. Lampes, abat-jours, cadres, miroirs, carafes, plateaux... un travail vraiment impressionnant !

Les tanneries Chouara
La médina de Fès a aussi son quartier des tanneries, celui de Chouara, encore plus coloré que celui de Marrakech. Chaque boutique de maroquinerie qui se respecte offre de monter sur sont toit pour avoir une vue plongeante sur tous ces bassins colorés où trempent des centaines de peaux. Très impressionnant !

«Les tanneries illustrent peut-être mieux que tout autre artisanat la persistance de traditions remontant à l'époque médiévale. Le cuir marocain, et en particulier le cuir fassi, est depuis des siècles considéré comme l'un des plus beaux au monde. La fine peau de chèvre tannée, utilisée en reliure, porte ainsi le nom de maroquin.

Au Maroc, les techniques de tannage n'ont guère changé au fil des siècles. Les ânes continuent de transporter les peaux à travers les étroites ruelles jusqu'aux cuves de teinture, toujours construites selon les méthodes traditionnelles. Les tanneurs sont organisés selon les principes des guildes d'antan et le métier se transmet de père en fils. Malheureusement, l'hygiène et la sécurité n'ont pas évolué, et les tanneurs, plongés jusqu'aux genoux dans des produits chimiques, ont souvent des problèmes de santé. Pour combattre les odeurs pestilentielles, on offre aux touristes une branche de menthe à presser contre leur nez. Les principaux produits utilisés pour tanner les peaux sont la fiente de pigeon et l'urine de vache (pour le potassium) mélangés à de la cendre; d'autres ingrédients plus délicats tels l'indigo, le safran ou le pavot, sont ajoutés ultérieurement pour la teinture.»

Un délaineur au travail
Intéressant aussi de se laisser entraîner par un ouvrier pour nous faire visiter son atelier. C'est un «délaineur»; son travail consiste à enlever toute la laine de la peau du mouton à l'aide d'un couteau. La peau doit être ensuite soigneusement grattée avec un outil spécial pour vraiment enlever tout résidu de laine avant d'être envoyée à la tannerie. La laine est ensuite lavée et séchée au soleil sur le toit. Évidemment, tout se fait manuellement depuis des siècles et des siècles... Les peaux tannées quant à elles sont transportées sur les collines avoisinantes où elles sont étendues sur l'herbe pour sécher au soleil. Joli tableau !

Médersa Bou Inania
La médina de Fès abrite aussi bien sûr de nombreuses mosquées mais aussi quelques médersas (écoles coraniques) et aussi la plus vieille université au monde, l'université Karaouine. À la fois mosquée et université, Karaouine fut édifiée en l'an 859 par des réfugiés tunisiens puis fut agrandie au 12e siècle; la mosquée peut accueillir 20 000 fidèles. Ce complexe est le centre spirituel de la ville et du pays. Comme toutes les mosquées marocaines, les non-musulmans n'y sont pas admis. Par contre, nous avons pu visiter la médersa de Bou Inania érigée en 1350; entièrement restaurée il y a quelques années, les zelliges, stucs et portes de bois sculptés sont magnifiques. La médersa ne dispensait pas seulement un enseignement théologique mais on y traitait aussi d'astronomie et de philosophie.

Poterie bleue de Fès, 14e siècle
Enfin, nous avons fait un arrêt au Musée Batha installé dans un superbe palais d'été du 19e siècle. La collection n'est pas aussi imposante que promise mais elle recèle quand même quelques belles pièces de poteries du 14e siècle, des zelliges, des broderies, des bijoux et, bien sûr, des tapis ! Il a fallu être un peu délinquant pour croquer quelques photos souvenirs, c'est défendu dans les musées marocains mais nous n'avons pas pu résister à la tentation... Le jardin, de style andalou, offre un calme bienvenu après l'agitations de la médina.

Fès, un autre coup de cœur marocain !