2 au 20 février 2013
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Village de l'Anti-Atlas |
Au sud de Marrakech, au
centre du pays et au pied des montagnes du Haut-Atlas, la région de
l'Anti-Atlas porte bien son nom avec des sommets tournant autour de 2
000 m.
«Ces montagnes sont le fief des tribus berbères chleuhes
qui vivent en une confédération souple de villages éparpillés
dans les hauteurs désolées, certains hors de la portée de tout
pouvoir central. Parmi des paysages lunaires de rochers granitiques
et de coulées de lave rouge, les Chleuhs se consacrent depuis
toujours à leurs fermes, implantées dans les luxuriantes oasis des
vallées et aujourd'hui les plus belles palmeraies.»
Tafraoute
et la vallée des Ammeln
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Voyez-vous la tête de lion du djebel L'Kest ? (au centre dans la montagne rouge) |
La bourgade de Tafraoute (5 000 hab.), nichée dans la somptueuse
vallée des Ammeln, est entourée de montagnes de granit
rose-orange-rouge dont le djebel L'Kest (2 359 m). Pour la petite
histoire, ce massif abrite une formation rocheuse qui ressemble à
une tête de lion. Les locaux vous expliquent en plaisantant qu'il
surveille les femmes pendant que leurs maris travaillent ! C'est
d'autant plus drôle (!) lorsqu'on apprend que les villages
environnants sont surtout peuplés de femmes et d'enfants, les maris
ayant quitté pour chercher de l'emploi en ville et même en Europe.
C'est vrai que plusieurs envoient encore de l'argent à leur famille
mais il y en a aussi plusieurs qui ne sont jamais revenus et qui ne
subsistent plus aux besoins des leurs.
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Cerisiers et amandiers en fleurs dans la somptueuse vallée des Ammeln |
Pour notre plus grand bonheur, nous sommes en plein milieu de la
saison de floraison des cerisiers et des amandiers. Voir ces arbres
en fleur au milieu de ces terres arides, quel fabuleux spectacle la
nature nous offre !
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Dans la palmeraie d'Aït Mansour |
C'est en moto que nous avons exploré la vallée des Ammeln. Très
peu achalandées, ses routes nous ont menés à travers des gorges
profondes longeant les oueds (rivières) asséchés et aussi des cols
offrant des panoramas spectaculaires. Nous nous souviendrons
longtemps des magnifiques gorges d'Aït Mansour qui, au final,
s'ouvrent sur une luxuriante palmeraie longue de plusieurs
kilomètres. Les habitations sont bâties à flanc de montagne,
souvent à même le roc, pour préserver le maximum de terre
cultivable le long du oued.
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Palmier dattier |
Ici, c'est le royaume des dattes ! Au sommet des grands palmiers
dattiers, on aperçoit des régimes de dattes et le sol en est
jonché. La récolte se fait en octobre-novembre; même les hommes
âgés grimpent aux palmiers avec une sangle, un sac et un couteau
pour en cueillir. La datte fraîche étant un fruit fragile, on la
fait sécher un peu pour pouvoir l'exporter plus facilement. Les
marocains sont friands de confiture et de sirop de dattes. Ils aiment
bien les déguster sur une crêpe mais surtout arroser de sirop les
aliments salés. Un chef nous recommande d'en mettre quelques gouttes
sur du fromage de chèvre chaud ou sur du foie gras poêlé, cela
fera ressortir le goût de noix et les saveurs fruitées des dattes
marocaines. À suivre... pour le moment, nous sommes toujours à la
recherche d'un paquet de la meilleure variété, la «Boufeggous»,
rien de moins.
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Les gorges de Timguilcht |
On revient le lendemain dans la vallée pour explorer cette fois-ci
les gorges de Timguilcht via une piste de 4x4 dans laquelle notre
moto se débrouille, ma foi, fort bien (c'est vrai qu'on a un bon
conducteur aussi) ! Nous comptions revenir à Tafraoute par la
palmeraie mais voilà qu'on se trompe de chemin; il faut dire, à la
décharge de la co-pilote, que les indications routières sont rares
et pas toujours en français... Cette erreur allongera notre trajet
de plusieurs kilomètres mais elle nous fera découvrir d'autres
magnifiques paysages qui nous donnent le goût d'étudier la
géologie. Les majestueuses
courbes des plissements rocheux imposent le respect face à la force de la nature qui a créé ces formes harmonieuses.
Taliouine
et le safran
En remontant vers le nord-est, nous atteignons Taliouine, le centre
africain de l'or rouge, le safran, l'épice la plus chère au monde.
À Talioune, on nous le vend pas cher... 3 euros le gramme, un prix
d'ami, alors qu'en France un gramme se paie 40 à 50 euros ! Le
safran de Taliouine est réputé car il est biologique et sa qualité
est contrôlée, c'est du vrai ! Nous en avons bien sûr acheté, il
reste à le déguster...
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Une fleur de safran et la guide de la Maison du safran |
C'est dans les hauteurs volcaniques de Taliouine, à plus de 1 200 m
dans les montagnes de Siroua, que poussent les fleurs de safran, un
crocus pourpre semblable à ceux qu'on voit sortir de la neige au
Québec au printemps. Le safran est cultivé exclusivement par les
femmes; elles récoltent les fleurs avant l'aube dans les froides
matinées d'octobre et novembre car le soleil atténue le goût du
safran et sa teneur en vitamines. Seuls les trois stigmates de la
fleur sont utilisés; ils sont minutieusement extraits et mis à
sécher dans l'obscurité. Pendant le séchage, les stigmates perdent
80% de leur poids. Il faut 140 fleurs pour produire 1 gramme de
safran. Le safran est utilisé en cuisine, en médecine, pour la
teinture des tapis, les encres de calligraphie, les savons et les
cosmétiques.
Agdz
à Zagora, la vallée du Drâa
Sur les 95 km qui séparent Agdz et Zagora, l'eau du Drâa donne vie
à une étroite vallée qui se couvre de palmiers et de terres
cultivées en terrasses. Mais il n'en a pas toujours été ainsi.
Encore récemment, dans les années '80, la vallée du Drâa a subi
une sécheresse qui a duré 5 ans. Des villages entiers ont dû être
abandonnés, les habitants ont dû fuir vers les villes pour
survivre. Même si la vie est maintenant revenue dans la vallée, il
est triste de voir toutes ces maisons de pisé en ruine qui
témoignent de la fragilité de cet écosystème.
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Notre camping à Agdz, dans la palmeraie, près de la kasbah Ali |
À Agdz, notre camping se situe sur le bord d'une palmeraie au pied
d'une kasbah (habitation fortifiée abritant une famille riche). Nous
aurons l'occasion tout au long de notre périple au Maroc de voir et
de visiter plusieurs kasbahs. Elle témoignent de la richesse et de
la splendeur du passé des différentes tribus berbères qui ont vécu
dans l'Anti-atlas. Plusieurs kasbahs sont maintenant en ruine;
d'autres ont réussi à survivre en étant transformées en hôtel ou
en maison d'hôtes.
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Djebel Kissane et la vallée du Drâa |
C'est encore une fois à moto que nous ferons nos plus belles
découvertes dans la vallée du Drâa. Une piste le long du oued nous
offre une très belle vue sur la palmeraie et les montagnes qui
bordent la rivière. Le djebel Kissane est notre montagne favorite,
sa forme ressemble à une tagine, le plat de cuisson typique marocain. Encore
une fois, notre moto attire bien des regards admiratifs et envieux
dans cette région où l'âne est le moyen de transport le plus
courant.
Alors que les femmes s'affairent à laver le linge, transporter des
bidons d'eau et récolter du fourrage pour les vaches, les hommes eux
semblent dédier à couper des branches de palmiers et des joncs
qu'ils ferons sécher pour les utiliser en vannerie et aussi dans la
construction des maisons. Rien ne se perd dans la palmeraie; tout ce
qui y pousse est précieux et bien utilisé.
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Zagora, aux portes du désert, juste à 52 jours de Tombouctou ! |
À l'autre bout de la vallée du Drâa, la ville de Zagora, 35 000
hab., surprend par sa richesse, ses larges avenues et ses nombreux
cafés. On comprend mieux lorsqu'on voit une affiche qui annonce
fièrement : «Tombouctou, 52 jours» ! Cet avant-poste du
désert est depuis plusieurs siècles un grand centre de commerce.
Les caravanes qui traversaient le Sahara depuis Tombouctou (Mali)
transportant or et épices prenaient effectivement 52 jours pour
atteindre Zagora avant de remonter la vallée du Drâa et décharger
leur précieuse cargaison à Agdz; celle-ci était alors reprise par
des berbères qui lui faisaient traverser les montagnes du Haut-Atlas et atteindre
ensuite Marrakech.
Ouarzazate
et Âït-Benhaddou
N'ayant pas l'intention de traverser le désert jusqu'à Tombouctou,
nous rebroussons chemin et nous remontons la vallée du Drâa vers le
nord jusqu'à Ouarzazate (79 000 hab.), un autre carrefour commercial
important. Nous en profitons pour refaire nos provisions grâce aux 2
supermarchés de la ville. Ce ne sont évidemment pas des grandes
surfaces comme en trouve à Agadir ou Marrakech mais c'est beaucoup
mieux que ce qu'on avait croisé depuis 3 semaines. Nous regarnissons
donc notre garde-manger. Nous dénichons du bon beurre (français),
du lait de soya pour Réal et des céréales «santé»; il s'agit
juste de faire abstraction du prix ! En fait, mis à part la laitue
introuvable, on ne manque de rien du côté bouffe; fruits et légumes
de saison sont disponibles partout de même que œufs, viande de
volaille et de bœuf. Côté alcool, nous avions fait nos provisions
en Espagne avant de traverser. Nous avons goûté au vin marocain, il
est bon mais cher (15-20 euros la bouteille).
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Kasbah de Taourirt à Ouarzazate |
Une
fois ces besoins essentiels satisfaits, nous ne manquons pas d'aller
visiter la Kasbah de Taourirt. Contrairement à d'autres kasbahs
glaoui (nom de la tribu berbère de la région), celle de Taourirt a
échappé à la ruine en servant de décor à des fils hollywoodiens
(Un thé au
Sahara, Gladiator, Prince of Persia)
attirant du même coup l'attention de l'Unesco qui a soigneusement
restauré des parties de la kasbah. Depuis les années 1950,
Ouarzazate, qu'on surnomme «Ouallywood»,
est devenu un centre de production cinématographique important. La
ville et les environs ont servi de décor à des films censés se
dérouler au Tibet, dans la Rome antique, en Somalie ou encore en
Égypte (Le
diamant du Nil, Kundun etc.).
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Kasbah d'Aït Benhaddou et palmeraie |
Aït
Benhaddou, à une trentaine de km au nord de Ouarzazate, est une
autre belle grande kasbah classée par l'Unesco. Elle nous donne une
bonne idée de ce que devait avoir l'air les caravansérails du 11e
siècle. C'est très agréable de se promener dans ses murs en cette
saison où il y a peu de touristes, les sujets de photos ne manquent
pas. Encore une fois, le cinéma l'a sauvée; elle a servi de cadre à
des films tels Laurence
d'Arabie, Jésus de Nazareth,
Le Diamant du Nil et
Gladiator.
Le
lendemain, nous faisons une longue balade à moto au nord d'Aït
Benhaddou. Au loin, nous voyons les sommets enneigés de
l'Atlas. Il a plu un peu hier soir, cela a laissé une belle
traînée de neige blanche sur les sommets, c'est magnifique
quoiqu'un peu frisquet en moto; heureusement nous étions bien
habillés. Encore une fois, des paysages arides mais sublimes. Nous
sommes toujours surpris de voir autant de petits villages et des gens vivre dans une
nature aussi rude. L'homme est fait fort !